Biographie

René Maran, né à Fort-de-France (Martinique) le et mort à Paris le , est un écrivain français.

Il est lauréat du prix Goncourt en 1921 pour son roman Batouala, dont la préface dénonce la façon dont les territoires colonisés et leur population sont gérés. Le terme « anti-colonialisme » parfois utilisé à son propos est très peu usité à son époque et n'appartenait pas à son vocabulaire.

En 1953, l‘Académie française lui décerne le prix d'Aumale.

Origines familiales et formation

Déclaré à l'état civil de Fort-de-France le , René Maran est en réalité né le sur le bateau amenant ses parents de la Guyane à la Martinique. Ses parents sont guyanais,. Il est amené à vivre, dès sa jeunesse, à Bordeaux.

Il est le fils de Léon Herménégilde Maran, originaire de Guyane, de même que son épouse, Marie Corina née Lagrandeur, tous deux nés en 1865.

Ses parents l'emmènent en 1894 au Gabon, où son père doit occuper un poste dans l'administration coloniale. Lorsqu'il a 7 ans, pour lui permettre de faire de bonnes études, ils le mettent en pension en 1894 au « petit lycée » (classes primaires) de Talence (Gironde).

En classe de sixième, il devient élève au lycée de Bordeaux (devenu lycée Montaigne), où il découvre Marc Aurèle avec son professeur de latin. Il côtoie Félix Éboué, son ainé de trois ans, boursier, arrivé à Bordeaux en 1901. Les deux camarades pratiquent le rugby au B.E.C. (Bordeaux Étudiants Club).

Le , il obtient la première partie du baccalauréat lettres-latin avec la mention passable. Il n'est pas établi qu'il ait réussi la deuxième partie ni qu'il ait pu faire des études de droit à Bordeaux où il reste jusqu'en 1909, date à laquelle il part pour les colonies, pour y occuper un emploi administratif subalterne, faute d'être passé par l'École coloniale.

Il publie déjà à cette date dans la revue lilloise de Léon Bocquet, Le Beffroi.

Carrière coloniale

En 1912, il entre dans l'administration coloniale, par la « petite porte ». Il est affecté comme agent de police à Bangui en Oubangui-Chari (Afrique-Équatoriale française, AEF). Souvent en conflit avec son administration, commis de quatrième classe, puis secrétaire de troisième classe, il est de plus en plus mal noté, considéré comme susceptible et procédurier. Ainsi, en 1916-1917, alors qu'il est « agent spécial chargé de la comptabilité » à Sibut, il demande au gouverneur de l'Oubangui-Chari une mutation qui lui est refusée au motif qu'il n'a pas respecté la voie hiérarchique.

À la suite d'accusations — qu'il conteste — de violences sur des indigènes lors d'une campagne prophylactique contre la maladie du sommeil dans la circonscription de Kémo-Gribingui, il fait l'objet d'un blâme de son administration, puis d'une condamnation à la peine de 50 francs d'amende avec sursis par le tribunal de première instance de Bangui. De retour à Paris à partir de 1919, il repart pour la région du lac Tchad en 1921. C'est là qu'il apprend avoir été consacré par le prix Goncourt à la fin de l'année 1921 pour son roman Batouala dont la préface dénonce, non le fait colonial, mais ce que Maran en regarde comme les abus ou dysfonctionnements, la façon dont les territoires colonisés et leur population sont gérés. En 1923, après plusieurs demandes infructueuses de rapatriement pour cause médicale, il démissionne de l'administration et décide de vivre de sa plume.

La carrière d'administrateur colonial continue d'inspirer l'écrivain qu'est devenu Maran. Le protagoniste du roman publié en 1947 Un homme comme les autres est par exemple un Martiniquais ayant fait ses études à Bordeaux avant de devenir administrateur colonial.

Batouala

En Afrique, il écrit le roman Batouala, qui décrit la vie d'un village africain du point de vue du chef éponyme, encouragé par son ami Philéas Lebesgue qu'il vient rencontrer à Beauvais dès 1915. René Maran mit six ans à écrire son roman.

Dans la préface de ce roman, René Maran dénonce certains aspects de la colonisation, ce qui entraîne des controverses et lui vaut des inimitiés. Il obtient le prix Goncourt en 1921, il est le premier écrivain noir à recevoir ce prix.

Écrivain et critique littéraire

Il met fin à sa carrière coloniale quelques années plus tard et continue celles d'écrivain et de journaliste littéraire et de radio à Paris où il résidera dorénavant. Durant la Seconde Guerre mondiale, il n'est pas inquiété par les autorités occupantes. Dans son œuvre romanesque inspirée par l'Afrique, il lui arrive de montrer les rapports parfois difficiles entre Noirs et Blancs, notamment le poids du racisme imposé par les institutions coloniales. Souvent écrivain animalier, il dénonce la cruauté des hommes envers les animaux. Très attaché à la France, Français patriote en dépit de certains griefs qu'il exprime dans sa correspondance avec Philéas Lebesgue, il écrit des biographies qui retracent la vie de « grands Français », notamment de ceux qui ont découvert les terres du futur Empire français. Dans sa correspondance, il cite souvent les trois plus grands amis qu'il admire : Félix Éboué, Philéas Lebesgue et Manoel Gahisto.

Dans les années 1930, René Maran fréquente le salon littéraire de Paulette Nardal où il rencontre Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Jean Price Mars. René Maran exprime des réserves sur le mouvement naissant de la négritude :

« Considéré par les Noirs comme un précurseur de la négritude, il avouait qu'il la comprenait mal et avait tendance à y voir un racisme plus qu'une nouvelle forme d'humanisme. Il se voulait, par-dessus tout et avec obstination « un homme pareil aux autres » »

— Lilyan Kesteloot.

En 1953, l‘Académie française lui décerne le prix d'Aumale conjointement avec Albert t'Serstevens.

Poète

René Maran est réputé avoir recours à une poésie relativement classique par ses thèmes et par sa facture, utilisant par exemple les alexandrins,.

Décès

René Maran meurt à Paris le . Il est enterré à Paris au cimetière du Montparnasse (11e division).

Famille

Le 9 août 1927, René Maran épouse Camille Rosalie Berthelot, couturière née le et morte le à Paris.

En 1943, René et Camille Maran adoptent Paulette Cernard, qu'ils ont rencontrée en 1930 dans les Vosges.

En 1946, Paulette Cernard-Maran épouse Paul Michel, dont elle a deux enfants, Françoise (épouse Merle) et Bernard. Elle meurt le .

  • Catalogue des livres de René Maran, 1971, 118 pages
  • La bibliothèque municipale de Bordeaux possède en manuscrits : la correspondance adressée à Charles Barrailley ; des lettres autographes signées, 1922-1948 et œuvres, un poème autographe signé ; une lettre autographe.

À l'occasion du centenaire de l'attribution du prix Goncourt et de la reparution (édition préparée et augmentée) de Batouala, la Bibliothèque nationale de France organise en partenariat avec l'Académie Goncourt, le , un évènement commémoratif dans son grand auditorium. Le de la même année, le Conseil de Paris vote un vœu pour qu'un établissement culturel de la ville de Paris porte son nom.

Notes

Références

Bibliographie

  • François Beauvy, Philéas Lebesgue et ses correspondants en France et dans le monde de 1890 à 1958, Beauvais-Tillé, Awen, thèse de doctorat, Université de Paris 10 - Nanterre, 674 p., 2003. De nombreux renseignements bibliographiques de première main se trouvent rassemblés dans cette thèse sur Philéas Lebesgue, notamment sur l'un d'entre eux, René Maran, dont la riche correspondance a été découverte et répertoriée par François Beauvy, écrivain, président de la Société des Amis de Philéas Lebesgue, au cours de ses minutieuses recherches dans les archives personnelles et inédites du poète et écrivain de La Neuville-Vault. Dans sa thèse, soutenue en 2003 et publiée en 2004, François Beauvy révèle sur René Maran des faits jusqu'ici inconnus, aux pages 9, 15, 33, 60, 91, 95-101, 103, 184, 254-257, 268-270, 276, 399, 428, 449, 467, 492, 506, 556-558, 565, 580, 587, 588, 594-596, 627. En effet, de nombreux extraits de lettres apparaissent dans cette étude. Les lettres sont conservés précieusement. Seules des copies ont été produites pour un dépôt projeté auprès de l'ITEM.
  • « René Maran », Continents manuscrits, no 17,‎ (ISSN 2275-1742, lire en ligne, consulté le )
  • Isabelle de Montvert-Chaussy, « René Maran, premier Goncourt noir », MAG Sud-Ouest, no 478,‎ , p. 7-10.
  • Christiane Chaulet Achour, Dictionnaire des écrivains francophones classiques : Afrique subsaharienne, Caraïbe, Maghreb, Machrek, océan Indien, Paris, Champion, , 472 p. (ISBN 978-2-7453-2126-8, BNF 42328119), p. 290-293.
  • Buata B. Malela, Les écrivains afro-antillais à Paris (1920-1960). Stratégies et postures identitaires, Paris, Karthala, coll. « Lettres du Sud », , 468 p., p. 27 - 99
  • Charles Onana, René Maran : le premier Goncourt noir, 1887-1960, Paris, Duboiris, , 193 p. (ISBN 978-2-916872-01-8, BNF 40999136).
  • René Maran et Femi Ojo-Ade (dir.), René Maran, écrivain négro-africain : textes choisis et présentés par Femi Ojo-Ade, Paris, Nathan, coll. « Classiques du monde. Littérature antillaise », , 95 p. (BNF 34711748).
  • Hommage à René Maran, Paris, Présence africaine, , 311 p. (BNF 37492669).
  • (en) Keith Cameron, René Maran, Boston, Twayne publishers, coll. « Twayne's world authors series. French literature. », , 176 p. (ISBN 0805766049).
  • (en) Femi Ojo-Ade, René Maran, the Black Frenchman : a Bio-critical Ctudy, Washington D.C., Three Continents Press, , 265 p. (ISBN 0914478931).

Documentaire

  • René Maran, le premier Goncourt noir, documentaire de Fabrice Gardel et Mathieu Weschler (Fr., 2021, 52 min).
  • Agathe Rivière-Corre présente "Le cœur serré" de René Maran sur Mollat.com & Le Festin (, 7:18 minutes)

Articles connexes

  • Batouala
  • Négritude
  • Colonialisme
  • Les Écrivains afro-antillais à Paris (1920-1960) : stratégies et postures identitaires

Liens externes

  • Ressources relatives à la littérature :
    • Académie française (lauréats)
    • Île en île
  • Ressource relative à la recherche :
    • Les Classiques des sciences sociales
  • Ressource relative à l'audiovisuel :
    • Africultures
  • Bibliographie commentée des ouvrages de (ou sur) René Maran sur soumbala.com.
  • « La guyanité de René Maran », sur manioc.org.
  • « René Maran avant sa naissance : un siècle d'histoire guyanaise vue sous l'angle d'une famille (vers 1780-1887) », sur manioc.org.
  • « “René Maran, le premier Goncourt noir”, sur France 3 : un précurseur méconnu de la négritude », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • « La douceur grave de René Maran », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • « René Maran », sur renemaran.com site consacré à l'auteur par sa famille.
  • Qui était vraiment René Maran ? (sur le site MondesFrancophones)
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Source : Article René Maran de Wikipédia

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